CR d'un trip en Anatolie centrale et de l'est

S'il ne devait y avoir qu'une seule photo de ce trip, ce serait celle là :



Peut-être pas la plus belle, mais emblématique d'un endroit qui m'a fait, à ce moment là (et pas avant, malgré les milliers de km que j'avais déjà parcourus), me dire à voix haute "ok, là, j'admets, je me trouve loin de mon appart parisien".
Pour info, il s'agit du Palais d'Ishak Pasa, à Dogubayazit, en Turquie, à quelques km de la frontière iranienne (cliquez ici pour la localisation).

PS : pour info, si vous ne vous êtes pas logué avec votre pseudo du forum, vous n'aurez pas accès aux liens hypertextes que j'ai essaimés dans ce CR...

Préparation au voyage

Mi mai, je rentrais d'un voyage extraordinaire en Andalousie (CR cf. ici), et deux semaines après, j'ai suivi un stage de deux jours chez T3 Academy. C'est ce stage qui m'a fait décoller vers la Turquie, une destination dont je rêvais depuis quatre ans, depuis l'obtention de mon permis...

A la grande différence des autres trips en moto que j'ai faits, je voulais aller à la rencontre des gens, partager leur culture. Exit donc le "tout camping sauvage" et l'isolement total ! Le point commun avec les autres trips : j'allais faire ce trip en solo.

J'avais donc un mois et demi pour préparer ce trip : mon taff ne me permettant d'avoir quatre semaines d'affilée de vacances que l'été (mais c'est déjà super d'avoir cette possibilité là !), il était donc tout simplement hors de question que j'attende l'été prochain pour partir !! Il a donc fallu être efficace. Quatre grandes étapes dans la préparation de ce trip. La première, éplucher les différents guides. Je recommande fortement le Lonely Planet et déconseille le Guide du Routard (qui déconseillait vivement de partir dans l'est du pays - alors que c'est dans cette région reculée que j'ai fait les plus belles rencontres). Deuxième étape, apprendre le turc, à raison d'un quart d'heure environ par jour dans le métro. Troisième étape, géolocaliser sur Google Satellite les pistes que je voulais emprunter, et à la différence de ce que j'avais fait pour l'Andalousie, je les ai cette fois-ci imprimées, de telle façon à avoir des cartes au 1/150.000ème. Sur ces cartes, je plaçais les coordonnées GPS en décimales, ce qui m'a permis, sur place (avec une application smartphone qui fournissait les coordonnées GPS, un calcul de règle de trois, et un double décimètre) de toujours savoir où j'étais (je me suis aussi servi de cette technique quand j'étais plus ou moins perdu dans une zone que je n'avais pas imprimée, et auquel cas, j'utilisais ma carte IGN). J'avais aussi pris une boussole, qui m'a servi plus d'une fois pour trouver la bonne piste quand plusieurs s'offraient à moi !

Voici un exemple d'une des cartes que j'avais imprimées (dont le parcours était compris entre les latitudes 44,424474N et 44,557115N, et entre les longitudes 43,472843E et 43,424474E) :


Dernière étape, la révision des 20.000 chez mon concess' BMW à Paris (Daniel Moto), en disant au chef d'atelier : "je pars pour plus de dix mille bornes dans des endroits où je vais trouver peu de concessionnaires BM à des centaines de km à la ronde, est-ce que vous pouvez vous arranger pour éviter autant que possible qu'elle ne tombe en rade en plein milieu d'une piste dans la steppe anatolienne ?". Verdict à l'issue de 11.000km de roadtrip au total : rien. Pas une m... mécanique. Même pas une toute petite crevaison ou une ampoule de phare avant grillée (j'étais parti avec deux ampoules de rechange). (J'ai réglé de temps en temps la tension de la chaîne, comme il se doit...) Cette moto (mais j'aurai l'occase de le redire) est fabuleuse.

Conditions de voyage et parcours

Voyage en solo, avec (toujours la même) une F650GS twin, du 18 juillet de Paris au 17 août au retour à Paris, avec 40kg de bagages (comme d'hab' aussi). J'ai pris 4 jours pour faire Paris-Istanbul (Paris-Munich-Slavonski/Brod-Sofia-Istanbul), et 5 pour le retour, car j'avais des épices achetées à Dogubayazit que je devais livrer en Aveyron ! Cliquez ici pour avoir la carte Google Maps du trip dans sa totalité.

Je suis parti d'Istanbul le mardi 22 juillet matin, et suis revenu à Istanbul le jeudi 7 août aprèm, soit 17 jours de route dans le pays. Je suis parti avec une tente, dans laquelle j'ai dormi 7 nuits (dont 4 en "sauvage"). Les autres nuits furent dans de petits hôtels ne payant pas de mine, mais largement décents ! (J'ai dormi chez l'habitant - et quel habitant ! - une fois.) Vu mon objectif qui était d'atteindre la fabuleuse ancienne capitale de la grande Arménie en l'an 1000, Ani (cliquez ici pour localiser ces ruines sur la carte), et vu le temps que j'avais pour faire ce trip dans sa totalité de quatre semaines, j'ai "tracé" par les grands axes (des deux fois deux voies) entre plus ou moins Kayseri et Diyarbakir, entre Batman et Tatvan, et entre Erzurum et Ankara. Sans compter les routes en construction, nombreuses dans l'est du pays, qui furent de véritables pistes, j'ai dû rouler une grosse centaine de km sur de "vraies" pistes : autour d'Aksaray, autour de Tavan, et le long des frontières iranienne (au nord de Baskale) et arménienne... Et là, mon précédent trip en Andalousie vieux de deux mois effectué en partie sur les pistes m'a bien aidé dans l'apprentissage du pilotage !

Côté "essence", plusieurs choses. Tout d'abord, aucun problème pour trouver de l'essence sur les routes bitumées. Le prix au litre est compris en 4,97 et 5,25 TL (soit, en divisant par 3, entre 1,66 et 1,75 euros le litre de SP95 - pas de SP98). Ensuite, la conduite à la cool (80km/h maxi -- vitesse légale pour les motos en Turquie) ainsi que certainement les réglages lors de la révision ont fait que la moto a consommé, toute chargée qu'elle était, entre 3,4 et 3,6 l/100km (quelle sobriété !!). A côté des 4,2 l/100km escomptés dans mon budget, ça m'a fait faire de sacrées économies. En mangeant local, plus mes pâtes chinoises que j'avais emportées, en dormant dans des hôtels à environ 50 TL la nuit, plus quelques nuits en camping, et ayant roulé 4.300km dans le pays, je n'ai déboursé que 650 euros en tout et pour tout (essence comprise). Je n'ai jamais payé par carte bleue, et avais changé deux fois mes euros en TL à Edirne en arrivant, puis à Dogubayazit.

Equipement et accessoires

Voici rapidement l'équipement avec lequel je suis parti :
Protections tube de fourche Wunderlich (j'avais scié d'environ 2 cm les protection de tube de fourche, en raison du problème décrit dans le CR de l'Andalousie. Résultat, la protection gauche n'a plus jamais touché la conduite en métal de liquide de frein avant.)
Bulle Vario-Ergo Wunderlich
Sacoche réservoir Elephant Wunderlich
Sabot moteur Syrac
Crashbars Givi
Selle confort BMW
Valises Givi Outback
Pompe à pied avec manomètre Michelin
GPS Garmin Nuvi 2595 & support GPS Givi S952 (Le support s'est révélé excellent ! Il n'a pas du tout bronché malgré les secousses très importantes des pistes cassantes que j'avais prises.)

Vous trouverez dans le CR du trip en Andalousie des commentaires concernant ces équipements ci-dessus (en cliquant ici). Concernant les pneus, je suis parti avec des pneus Heidenau K60 Scout. Après 11.000km, ils sont usés seulement à la moitié. Et pourtant, ils ont connu de sacrées pistes bien cassantes, et du bitume fondant à cause de la chaleur, par certains endroits... J'ai été ultra satisfait de ces pneus. Sur piste, je n'ai finalement pas eu besoin de les dégonfler, même lorsque je roulais sur des pistes bien sablonneuses ! Je me suis pris de plus de sacrées trombes d'eau sur le chemin du retour, en Turquie, et je n'ai pas senti de problème d'adhérence -- ok, je n'ai cependant pas cherché à toucher les cales-pied dans les virages !

Salut Loïc,

j'ai hâte de lire ton CR, car je projette la même destination l'an prochain fin de printemps; mais de préférence en duo.

Je suis donc avide de tous les petits coins sympa que tu as testé et que tu pourras conseiller, et tout ce qui va avec comme par exemple : le Lonely Planet plutôt que le Guide du Routard, etc.

Alors vite on attend tes photos...

Aller c'est parti ! On attends

Commentaires généraux sur le trip en Turquie

Comme vous l'avez probablement vu sur la carte, j'ai pris soin d'éviter les zones touristiques de l'ouest. L'objectif était de rouler dans des espaces dont les paysages allaient me faire penser à aucun autre, ou du moins, à aucun que je pourrais plus ou moins avoir l'habitude de voir en France... Exit donc les parties arborées et celles avec de la mer. L'aridité andalouse ne m'avait pas calmé, bien au contraire. J'en voulais tout autant, voire davantage...
Et j'ai été servi.

Je n'ai pas cessé durant le mois qui a précédé ce trip de me renseigner via Internet sur la situation géopolitique locale. Malgré quelques scènes de violences qui avaient eu lieu à Diyarbakir (considérée comme la capitale du Kurdistan turc) entre kurdes et turcs en juin dernier, le climat était globalement appaisé entre les deux communautés. J'en avais parlé avec des turcs en France que je connaissais qui m'avaient rassuré. Et puis je me suis dit que je verrai bien là-bas, que je demanderai au fur et à mesure de ma progression vers l'est si cela ne craignait pas. Petite anecdote "marrante". J'étais à Taspinar, un peu à l'ouest de la Cappadoce (donc encore loin du Kurdistan turc) et ai raconté aux hommes du salon de thé dans lequel je prenais un thé où j'allais, et un type a fait un signe de tir au pistolet vers moi quand je lui ai dit que je passais par Diyarbakir ! Les autres se sont marrés, et j'ai interprété cela comme "ne l'écoute pas, il dit des conneries"... Inch' Allah.  

La première chose pour laquelle ce trip a été extraordinaire, ça n'a pas été les paysages (bien que, vous allez le voir, ils soient assez époustouflants), non. Ca a été les rencontres que j'ai faites. Les turcs sont d'une amabilité, d'une générosité, d'une hospitalité hallucinantes. Oui, c'est ce que l'on lit un peu partout. Mais évidemment, entre le lire et le vivre, whaou, quelle différence... Je ne compte pas les dizaines de fois où je n'ai pas pu payer mon thé qui m'était offert par le type du salon de thé, les fois où l'on m'a apporté des légumes quand je déjeunais avec mon réchaud à gaz sur une place de village, les fois où l'on m'a invité à partager le pique-nique à base de fromage de brebis incroyablement bon, de yahourt frais, de cacik (salade de yahourt et concombres), de tomates juteuses, etc...

Dès le début de mon trip, je faisais très souvent un signe de "bonjour" de la main aux personnes sur le bord de la route dans les villages ou hors des villages, et surtout aux bergers (quand je ne me faisais pas courser par leurs molosses   - mais j'en reparlerai plus tard !). Ce signe avait plein d'avantages. Le premier, le contact et la communication avec les turcs. Mais rapidement, et surtout au fur et à mesure de ma progression vers l'est et le sud, je voyais à la réaction des gens si je pénétrais dans une zone éventuellement "hostile" (et oui, quand même, je ne connaissais pas cette culture ; et de France, sans du tout être parano, on peut se dire que cela pourrait peut-être craindre d'aller côtoyer ces zones frontalières et/ou des zones à forte revendication kurde). A ce signe de la main que je faisais, si j'avais vu une réaction de leur part plutôt "négative", cela pouvait alors me donner un indice selon lequel je pénétrais dans une zone peut-être pas super cool... Mais il se trouve que je n'ai eu que des sourires à ces signes de main, et des signes de main en retour !! Partout dans le sud et l'est (c'est à dire, dans le Kurdistan turc), mais moins dans la partie nord et ouest de mon trajet. J'étais donc toujours totalement rassuré, malgré la présence grandissante des blindés sur la route... Anecdote sympa à ce sujet : j'étais à 50 km de la frontière syrienne, sur le bord de la route en train de prendre des photos, deux blindés sont passés à côté de moi, sur la route, et le deuxième blindé a klaxonné et le militaire dans sa tourelle avec sa mitraillette (ou je ne sais quoi comme arme) m'a fait un signe de bonjour de la main !!!! (J'ai eu aussi une autre expérience avec les militaires. Mais ça, c'est pour plus tard...)

Ci-dessous, toute une bande de kurdes ultra sympas (comme tous ceux que j'ai croisés), qui m'a invité à partager le thé et toute leur nourriture ! Il était neuf heures du mat', mais il n'y a pas d'heure pour partager ces bonheurs là... (Photo prise au bord du lac de Van.)



La deuxième chose fabuleuse furent les paysages, les ruines, et l'histoire immensément riche de ce pays qui vous sautaient à la figure... Je vous sélectionnerai quelques photos caractéristiques de ces paysages... Mais je ferai un site dédié à ce voyage, où toutes les photos y seront. Ici dans ce forum, forcément, il va y avoir de la sélection dans l'air.

Pour la première fois depuis que je voyage, je me suis dit "je retournerai dans ce pays". En fait, ce trip que j'ai fait, c'est en quelque sorte une ... reconnaissance. Une reconnaissance de terrain, mais surtout une reconnaissance d'ambiance. Quand j'avais préparé ce trip à partir de Google Satellite, j'avoue que je n'avais pas trop osé me faire prendre des pistes en plein coeur du Kurdistan turc. Maintenant, je sais que c'est totalement safe (avec un bémol, apparemment, au sud de Baskale, vers l'Irak - mais ça, c'est plutôt intuitif...).

Mes frayeurs ? Certainement pas la conduite turque. J'ai trouvé que les turcs conduisaient super bien !! Aucun comportement intempestif, ils mettent leur clignotant, ont une conduite prévisible, et conduisent lentement - il faut dire qu'une Renault 12, la majorité des voitures dans le sud et l'est, ça n'est pas connu pour être une bombe en terme de vitesse ! (Mais ça passe incroyablement partout ! Les pistes sablonneuses ne leur font pas du tout peur !) Non, ma frayeur a été les chiens. Pas tant les chiens errants, très nombreux (que je craignais au début, mais je me suis rendu compte qu'ils craignaient plus l'homme qu'ils ne voulaient lui faire peur). Mais les chiens de bergers, et ceux dans les villages (heureusement très souvent attachés). Je me suis rapidement fait courser par trois molosses sur une piste, et heureusement que la piste n'était pas trop cassante pour passer la 4ème, et rouler à plus de 60 km/h... Et deux fois, alors que j'étais à pied en train de prendre des photos ou de finir de petit-déjeuner au bord de la route, j'ai commencé à voir apparaître des chiens qui n'avaient pas l'air cool, et qui venaient dans ma direction ! Heureusement, à ce moment là et par chance exclusivement, j'étais en train de remettre mon casque pour partir !... Et je suis vite parti !

Allez, je termine cette partie de CR sur la photo suivante, un moment où mon coeur a commencé à battre d'excitation... Je prenais alors cette direction de l'Iran, vers Baskale... (La photo a été prise un peu au sud de Van.)

Un beau voyage... merci de ton CR.

La suite-la suite!!!

chapeau !!!!!!!

ça me rajeunit de 25 ans ton trip et apparemment l'ambiance est tjs aussi cool.....

Je vais présenter la suite de ce CR jour par jour, en me limitant aux événements marquants de la journée -- et de toute façon, en me limitant tout court ! (Si on ne m'arrête pas, je suis capable d'écrire beauuuuuucoup trop ! )

J1 : Istanbul -> Polatli

La sortie d'Istanbul fut un calvaire. Sortir de Paris à côté, c'est comme sortir de Villefranche de Rouergue (toute petite ville et super mignonne d'Aveyron). Deux heures montre en main pour voir apparaître plus de deux arbres d'affilée sur le côté de la route.
Le plateau anatolien aride commence à faire son apparition après Nallihan :


J2 : Polatli -> Taspinar

Trois chocs cette journée là !
Le premier, le lac salé de Toz Golü (j'adoooore les lacs salés !).

(Géoloc' ici)

Le second choc fut culturel. Dans un village (Yesiltepe) paumé que je suis volontairement allé chercher (et qui n'était pas prévu dans mon trip) par les pistes, dont les toits des maisons étaient tous en terre, j'ai posé ma moto sur la place du village où il y avait un monde fou (que des hommes, néanmoins). Plein d'ados et d'enfants ont accouru, j'ai retiré mon casque, et ai demandé si je pouvais boire du thé ! Et là, les moments magiques se succédèrent, jusqu'à arriver à ça :


Une ambiance géniale à l'intérieur de ce salon de thé où l'on m'a finalement offert du Lipton Yellow, car en plein ramadan, il n'y avait pas de thé chaud préparé - j'aurais pu m'en douter !

Troisième choc, les pistes dans un univers désertique. A ma gauche puis devant moi, un volcan superbe, le volcan Hasan.
Je commence par sortir de Kutlu, et me voici d'entrée sur une piste super sablonneuse :

(Géoloc' ici)

Quelques minutes après, un choix cornélien devant un dédale de pistes ! (C'est la moto que l'on aperçoit en tout petit, à droite.) Je monte sur une petite colline (d'où je prends la photo) pour essayer de repérer le village vers lequel je voulais me diriger, mais il est impossible à voir, trop éloigné. A ce moment bien opportun, un pick-up passe et s'arrête, et m'indique la bonne piste à prendre...


Peu après Armutlu, je voulais absolument continuer par les pistes pour rejoindre Taspinar. J'ai un peu galéré pour trouver la piste, ai demandé à quelques habitants, et ai pu trouver. Et alors là, le bonheur à l'état pur :


Puis une bergerie perdue dans ce monde aride :

(Géoloc' approx. ici)

hiero a écrit:ça me rajeunit de 25 ans ton trip et apparemment l'ambiance est tjs aussi cool.....

C'était le moins que l'on puisse dire, oui !!

Loïc, un vrai régal tes cr ! je ne me lasse pas de lire tes aventures (n'arrête pas). Bel esprit d'aventure ! Merci de nous faire découvrir d'autres contrées, d'autres peuples.

J3 : Taspinar -> Avanos

Levé comme d'hab' (depuis mon départ de Paris) à 5h du mat', je suis sur la route à 6h. L'avantage est que la luminosité est superbe, l'inconvénient, roulant plein est, c'est que j'avais le soleil en pleine figure. J'ai voulu relever la visière et abaisser mon écran teinté contre le soleil, tout ça en première, à 3 à l'heure, debout sur la moto, et évidemment, patatras !  


Mais cette chute anecdotique est vite effacée de ma mémoire face à ces paysages superbes... Je contourne par le nord le volcan Hasan.

(Géoloc' ici)

Footing matinale d'une tortue devant Hasan.


Puis vient la vallée d'Ihlara, décrite dans les guides, et dont le détour vaut vraiment le coup. A l'heure où je suis passé, je pense que la grande majorité des touristes dormaient encore, et j'avais donc ce village (Belisirma) pour moi tout seul !





J4 : Avanos -> Ergani (la plus longue étape de mon parcours dans la Turquie)

Ce matin là, je me suis dit "ok, c'est maintenant que les choses sérieuses commencent. Avant, ce n'était que de l'intro, du truc pour touristes. Là, tu pars vraiment vers l'est." Cette journée commence chez les touristes, en Cappadoce, où je n'ai pris que deux photos (dont la suivante) tant cette région a été photographiée des millions de fois, et au moins autant de fois mise sur le Net. Allez, j'y contribue aussi, avec une photo prise à 6h du mat', avec un soleil déjà assez haut...

(Géoloc' ici)

Je pars plein sud-est. Je décide en effet de contourner Kayseri par le sud : vite, il me faut de la contrée sauvage...
Je contourne par le sud un autre volcan, Erciyes, dominant une plaine qui semble avoir été d'anciens lacs (Col gölü, Sobe gölü, et Yay gölü). Sur la photo ci-dessous, il s'agit de Sobe gölü, où un troupeau de moutons passe, escorté par quelques molosses (on en voit un à gauche), dont deux sont venus à ma rencontre, et pas avec les meilleures intentions du monde -- mais heureusement, je remettais mon casque au moment où ils ont monté le talus pour me faire comprendre que je n'avais rien à faire là...

(Géoloc' ici)

Quelques heures après, je choppais la deux fois deux voies qui m'a transporté jusque Mardin (le lendemain), sur le plateau anatolien...



(Géoloc' approx. ici)

Puis la température monte, monte, au fur et à mesure que j'approchais de Malatya, jusqu'à atteindre 42° à l'ombre (que je n'ai pas pu prendre en photo, mais j'ai au moins "gelé" un 40° !)


Mais cela ne m'empêche pas de m'arrêter une ou deux fois devant ces paysages...

(Géoloc' ici)

A ce moment là, je commence à fatiguer de cette longue étape, par cette chaleur... Mais je ne veux pas chercher un hôtel à Elazig. Pas envie de galérer dans une si grande ville... Je décide donc de poursuivre jusque Ergani, ce qui était prévu pour être la ville dans laquelle je devais dormir le lendemain soir. J'arrive à Ergani, à 19h30, la nuit tombante, exténué. Je rentre dans le premier hôtel sur le bord de la route. Plutôt "class". La nuit à 90 TL, bien supérieure à mon budg' quotidien, mais je n'avais plus le courage de marchander -- j'ai essayé, mais sans conviction, et cela n'a pas marché. Mais en vrai, je m'en fichais. J'étais enfin en plein milieu de l'Anatolie, Paris commençait à me paraître vraiment loin... Plus de touristes depuis des centaines de km... Je me suis endormi un immense sourire aux lèvres.

vagabond a écrit:Loïc, un vrai régal tes cr ! je ne me lasse pas de lire tes aventures (n'arrête pas). Bel esprit d'aventure ! Merci de nous faire découvrir d'autres contrées, d'autres peuples.

Merci à toi, merci à vous pour vos commentaires...
Quand je voyage comme ça, un objectif que je ne cesse jamais d'avoir en tête, c'est d'emmagasiner un max d'info, d'anecdotes, de photos, etc., pour ensuite les transmettre à ceux qui ne peuvent pas voyager comme ça, à cause de X contraintes que j'ai la chance de ne pas avoir... Alors, si j'arrive à en faire voyager plus d'un par procuration comme ça, j'ai rempli mon objectif.

J5 : Ergani -> Hasankeyf

Même si j'avais géographiquement commencé ma descente vers le sud dès Elazig, c'est ce matin là, tout frais & reposé, que je suis dit dans ma tête "ça y est, là, je pars vraiment plein sud"...

(Géoloc' approx. ici)

Je n'avais initialement pas prévu de m'arrêter à Mardin car au moment où je suis parti de Paris, le conflit en Syrie battait son plein, et je me disais que ce n'était pas forcément une bonne idée de s'approcher si près de la frontière... Mais durant mon trip, j'ai plusieurs fois entendu dire que cette ville était très belle. Et dans la mesure où initialement, je devais tourner plein est seulement 15 bornes avant Mardin, je me suis dit que je n'étais pas à 15 bornes près ! Que finalement, être à 25 bornes à vol d'oiseau de la frontière ou à 40, c'était à peu près la même chose... Donc, j'avais pris la décision, quelques jours auparavant, de m'arrêter à Mardin pour visiter la ville, en jaugeant, au fil du trajet jusque Mardin, de la sécurité du parcours.
C'est sur ce trajet que deux blindés m'ont croisé pendant que j'étais en train de prendre la photo ci-dessous, en me klaxonnant pour me faire un coucou, et le militaire avec sa mitraillette m'avait fait un "bonjour" de la main...


Arrivé à Mardin, je me précipite vers la vieille ville, sur une colline. Je pose la moto, je laisse le casque et ma sacoche dessus, comme partout en Turquie depuis que je suis parti (il n'y a absolument aucun vol à craindre -- du moins hors des zones touristiques dans lesquelles j'ai été), et me balade dans la ville à pied, dans les ruelles de cette ville vieille de plus de 1000 ans...




Jusqu'à tomber devant ... ça. Devant moi se dressait la plaine de Mésopotamie, dont j'avais tant et tant entendu parler en cours d'histoire-géo au primaire. Cette plaine, ce berceau de la civilisation était donc devant moi. La Syrie était aussi devant moi.


Je quitte Mardin, direction Dereiçi, un village par lequel je voulais absolument passer. Un ancien village syriaque plus ou moins abandonné, que je me devais visiter après la lecture d'un polar que je recommande fortement, Le Testament Syriaque, de Barouk Salamé.




Village fantomatique...


Et pourtant encore habité par quelques familles, qui se sont montrées très discrètes (remarquez les barreaux aux fenêtres). (Et oui, c'est bien une église que vous voyez là...)


Avant d'arriver à Hasankeyf, l'étape du jour, je passe par une vallée somptueuse, embrumée de chaleur (38° à l'ombre), que je commence par surplomber, avant de la traverser dans toute sa largeur (par la route zigzagant, puis bien droite, que vous voyez à gauche de la photo), entouré de toute part par ces chaînes montagneuses magnifiques...



(Géoloc' ici)

Hasankeyf était ma seconde destination (première dans le sens de mon parcours) après Ani, tant cette petite ville est chargée d'histoire, avec son ancien pont rejoignant les deux rives du Tigre, et dont les arches sont vieilles de plus de 1000 ans.

(Géoloc' ici)

Sauf que. Sauf que j'ai été très déçu par le lieu. Touristique, ce lieu. Très touristique. Non pas qu'il y eut beaucoup de touristes (quand même, il faut pouvoir y aller, jusque là-bas !), mais c'est plutôt l'ambiance touristique que je n'ai vraiment pas aimée, avec une rue remplie de boutiques de souvenirs, et des turcs me parlant tout de suite anglais quand je commençais à leur parler en turc, à vouloir me vendre leurs produits, ou me faire héberger dans le seul hôtel de la ville. Franchement, je n'ai pas aimé. Sauf que j'étais trop crevé pour aller chercher un endroit ailleurs où dormir, il faisait très chaud (39°), et j'avais de toute façon décidé de camper au bord du Tigre !  J'avais d'ailleurs rencontré un couple de français dont le mec m'a conseillé un coin où planter ma tente au bord du Tigre. C'est donc ce que j'ai fait, en fin de soirée, après ..... m'être baigné dans le Tigre ! (Y'a pire comme fleuve pour se baigner, non ? ) Ci-dessous mon campement, au petit matin le lendemain, après avoir plié ma tente et être prêt à partir.

Merci pour ce voyage...sans bouger.

Oui merci; je rêve.
Faudra nous dire comment tu as choisi ton itinéraire ? Quel support pour te conseiller ?
Je compte y aller l'an prochain, et je ne voudrai rien rater des meilleurs "spots".
tous tes conseils seront les bienvenus
d'avance merci

J6 : Hasankeyf -> Tatvan

Après avoir profité, pendant de longues minutes, du lever du soleil sur les falaises du rivage du Tigre, je prends la direction de Tatvan, où il était prévu que je passe deux nuits - donc, avec une pause à Tatvan. Oui, genre "une pause d'une journée après 10 jours de route non stop depuis Paris, dont 6 en Turquie, ça pourrait ne pas faire de mal !". Mais par "pause à Tatvan", j'entends "je me balade autour de Tatvan", car il n'était pas imaginable - du moins pas dans ce trip que je voulais faire - de poser la moto sans y toucher pendant vingt quatre heures !
Je passe par Batman (nom certes évocateur, mais cette ville était d'une tristesse à n'en plus pouvoir), et ne fais que rapidement la longer par le nord est.
Quelques dizaines de km après, je me retrouve dans mes paysages...

(Géoloc' ici)

Huit heures du mat', je rentre dans Kozluk, déserte à cette heure, et tombe sur des vaches en train de faire les poubelles... J'ai trouvé que cette image représentait bien la pauvreté de la population dans ces régions délaissées par le gouvernement turc.

(Géoloc' ici)

Fin de matinée, j'arrive enfin à Tatvan ! Je trouve un hôtel sympatique, et ai donc toute une journée et demie pour me balader dans le coin ! Cette journée là, ce seront les lacs de Van (photo ci-dessous) et Nazik. (Le lendemain, ce sera le lac du cratère du Nemrut Dagi, ce volcan superbe.)


Avec en prime une baignade avec les habitants (kurdes - mais je ne vais plus avoir besoin de le dire, car toutes les personnes que je vais rencontrer sur ma route jusque Kars vont être kurdes) du coin qui m'ont invité à me baigner à avec eux !


Le lac de Nazik, qui n'a pas été facile à trouver par les pistes...

(Géoloc' ici)

C'est à partir de maintenant que la journée a vraiment décollé. Il n'est pas loin de trois heures de l'aprèm, et je voulais absolument contourner le Nemrut Dagi par l'ouest, pour rejoindre Tatvan : cette piste était indiquée sur ma carte IGN. Mais ça a bien été la galère pour la trouver, cette piste ! Pourquoi ? Parce que lorsque je suis arrivé à Güzelsu, le village duquel partait la piste vers le sud-ouest longeant par l'ouest le volcan, j'ai demandé aux habitants si cette piste menait bien à Tavtan. Ils m'ont alors tous répondu en coeur "non non, pour aller à Tatvan, il faut revenir d'où vous venez, cette piste ne va pas à Tatvan !!". Et là, j'ai fait un truc horrible. (Cela dit, l'idée même de faire demi-tour et ne pas contourner "mon" volcan était encore plus horrible.) J'ai branché mon GPS Garmin (cela faisait belle lurette que je ne roulais plus au GPS). Il a alors confirmé que cette piste menait bien à Tatvan - certes pas par le plus court chemin !

Et là, ce fut une bonne heure de régal sur cette piste de belle terre assez peu caillouteuse, voire sablonneuses parfois... Le soleil commençait à baisser sur l'horizon, rendant le paysage encore plus beau et sauvage...

(Géoloc' ici)

Après avoir traversé Gedikpinar, je me suis retrouvé au bord du plateau sur lequel je roulais depuis des heures, avec en face de moi, 400 mètres plus bas, la "plaine" ! Et la piste était tout simplement à flanc de "falaise" ! C'était magistral, impressionnant, et dans ces moments, il faut être sûr de sa moto et de soi car le moindre écart conduit à des choses que l'on pourrait qualifier de peu sympathiques !


Dites-vous sur la photo ci-dessous que les arbres que vous voyez sont de grands arbres... Pour la pause photo, j'ai mis la moto suffisamment près du bord pour donner cette impression de vide - mais en vrai, je ne roulais pas si près du vide !

(Géoloc' ici)

Et voici vu d'en bas le plateau d'où je venais () :

J7 : Le volcan Nemrut Dagi (Tatvan)

J'avais lu dans les guides que l'on pouvait pénétrer à l'intérieur du cratère, avec comme cerise sur le gâteau, un superbe lac entouré par les flancs du cratère !...
Ce volcan était donc une étape super importante de mon parcours, qui valait bien de prendre une journée pour lui !
La "piste" qui mène en haut du cratère est désormais une route en construction. Dans un an, pas beaucoup plus, ce sera une deux fois deux voies peut-être, avec tous les avantages que l'on imagine pour les touristes turcs, mais avec l'inconvénient que ce lieu qui était préservé par sa faible accessibilité va très prochainement devenir une belle ... "attraction".
Heureusement, je suis arrivé au somment du cratère à sept heures du mat', avec donc encore personne, et un soleil rasant qui laissait encore dans l'ombre une bonne partie de l'intérieur du cratère...


Voici une petite vidéo panoramique tournée en haut du cratère : cliquez ici.

J'ai pris mon petit dej' au bord du lac, dans sa partie nord...

(Géoloc' ici)

Puis j'ai changé d'endroit - c'était trop moche par là (non, ok, je déconne... !). Mais c'est vrai que dans la mesure où l'endroit où j'étais était accessible par une route bien carrossable (et oui, une route plus ou moins bitumée dans un cratère... Mais où va-t-on ???), j'ai préféré bouger dans un coin auquel on ne pouvait accéder que par une petite piste... Et voici ce à quoi j'ai eu droit :

(Géoloc' ici) (Pas mal, non ?!)

Ensuite, je suis retourné à Tatvan, profiter un peu de la ville, boire des thés à la menthe au bord du lac de Van, en regardant les gens passer, histoire de m'immerger encore plus dans cette culture qui me fascinait déjà tant...
Le lendemain matin, je prenais la direction de l'Iran, pour commencer à la longer cette frontière... J'en étais évidemment tout excité à l'avance !

So good !

Merci beaucoup à toi.
Baroudeur c'est avant tout une question de mentalité et de volonté. Et la récompense est au bout de la piste ......

Vite la suite!!

J8 : Tatvan -> Yavuslar

Décollage de Tatvan avec le lever du soleil sur le Lac de Van et les montagnes aux alentours... Superbe !
Après un petit dej' au bord du lac, je poursuis à peine un km pour arriver sur une pointe qui faisait face à l'île d'Akdamar, que je n'ai pas visitée. (L'île d'Akdamar se trouve au centre et au fond, sur la photo ci-dessous.)

(Géoloc' ici)

Mais au moment d'arriver sur la pointe, je vois une voiture garée et huit gars dont certains étaient en train de se baigner... J'ai eu alors un premier réflexe qui a été de me dire "ok, je ne vais pas être tranquille dans cet endroit superbe, je repars" (pas bien, ça ), mais très rapidement je me suis souvenu de l'objectif premier de mon trip : la rencontre avec les gens. J'ai donc posé la moto, et suis allé à leur rencontre... Et là, j'ai passé près d'une heure au bord du lac avec ces types super sympas, où nous avons partagé leur fromage de brebis excellent, leur cacik, leurs tomates et concombres, et bien évidemment, leur thé (dont vous voyez ci-dessous la grande théière à charbon pour préparer le thé)...


Après avoir bien mangé et bien bu, je pars, direction ... l'Iran.

(Géoloc' ici)

Quelques km après, je passe un petit col pour déboucher sur un décor totalement lunaire, incroyable, personne sur la route, et une luminosité étonnante. (J'ai eu à ce moment l'immense chance d'avoir une assez haute butte de terre de laquelle prendre la photo.)



(Géoloc' ici)

Je continue inexorablement à m'enfoncer dans le Kurdistan, je croise alors pas mal de blindés sur ma route... Alors que je prenais une photo d'une butte, non loin de la route (photo ci-dessous), un type m'a crié de tout coeur "welcome to Kurdistan !"... Je n'avais décidément toujours aucune raison de craindre pour ma sécurité - du moins, pas de façon flagrante.

(Géoloc' ici)

Puis ce château d'Hoshap, que j'attendais avec impatience, et ai été bluffé en le voyant. J'ai tout de suite pensé au roman Le désert des Tartares, de D Buzzati...



(Géoloc' ici)

Je passe ensuite par un col assez haut (manque de pot, moins haut que le col de l'Iseran avec ses 2730 mètres - mais je me rattraperai le lendemain ), où il fait frais, et d'où le spectacle est assez grandiose...


(Vue du col, plein sud, ci-dessous.)


(Vue du col, nord-ouest, ci-dessous.)

(Géoloc' ici)

Passé, le col, la route redescend dans une très belle vallée encaissée, bien aride... Je poursuis ma route jusque Bashkale pour refaire un plein de provisions, mais où parait-il il aurait été imprudent d'aller davantage vers le sud... Je repars vers le nord est, pour longer enfin la frontière iranienne...
Et j'arrive dans un village où beaucoup de rencontres vont se produire : Yavuslar.


Dès que j'ai trouvé un endroit pour déjeuner, au bord d'une petite rivière, non loin du lieu de prise de la photo ci-dessous, j'ai fait la rencontre de jeunes du village, qui m'ont emmené faire une balade splendide ! Objectif de cette balade, monter tout en haut de cet immense rocher que vous pouvez voir à droite sur la photo ci-dessus.


Lors de la grimpette, de belles formations rocheuses...


L'arrivée tout en haut fut grandiose, accompagné de mes deux "guides" (dont Altan, à ma droite), avec la vue sur la frontière iranienne (à gauche sur la photo ci-dessous)...


Le village vu d'en haut (vue vers le sud).


Le village vu d'en haut (vue vers l'ouest).


Puis nous redescendons tous de ce "rocher", et la famille d'Altan m'attendait en bas avec du thé puis tout un repas, et il était cinq heures de l'aprèm'... Le lendemain matin, cette même famille m'a offert un petit-déjeuner à six heures du mat', bien copieux, avant de partir ! La reine Hospitalité, dans toute sa splendeur...